Bien que l’Espagne soit le pays au plus faible taux d’anti-vaccins du monde, il existe encore une résistance importante au vaccin contre le Sars-Cov 2. De plus, selon une étude d’Ipsos en collaboration avec le Forum Économique Mondial, c’est le deuxième pays européen le moins enclin à se faire vacciner, après la France. Les données, publiées à la mi-novembre, indiquent que 64% des Espagnols accepteraient à se faire vacciner mais seuls 13% le feraient dès le vaccin mis sur le marché tandis que 38% choisiraient de le faire trois mois plus tard.
Pour le moment, il est exclu de donner caractère obligatoire au vaccin. On attend donc beaucoup de la responsabilité individuelle, associée à une grande campagne d’information sur les avantages qui dissiperait tout doute ou rejet.
Il y a un mois, l’Union européenne a mis en lumière un nouveau dilemme en donnant carte blanche aux entreprises souhaitant se passer de salariés qui refusent de se faire vacciner.
– Est-ce que cela pourrait être fait en Espagne, ne serait-ce pas une forme de discrimination ?
– Où établir la limite éthique dans un contexte de pandémie mondiale?
Du point de vue du travail, ce ne serait ni légal ni éthique.
Collision de droits
Le principe d’organisation et de gestion de l’employeur établit qu’il est libre d’embaucher qui il considère le plus apte aux exigences du poste. La question serait donc de préciser si le refus d’embauche d’une personne non vaccinée est discriminatoire. Nous entrons ici, à mon avis, dans une collision de plusieurs droits
Comme le souligne la Constitution aux articles 14 et 15, aucun Espagnol ne peut être victime de discrimination pour quelque raison que ce soit et tout un chacun a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale. Cependant, l’article 17 de la loi du statut des travailleurs, ainsi que les articles suivants (relatifs au droit à la santé et à la sécurité au travail) entreraient en conflit avec les précédents en garantissant à l’employeur le droit de marquer ses préférences d’embauche.
Ainsi donc, il se peut que le débat ne porte pas tant sur l’employeur que sur la question de savoir s’il peut exprimer ouvertement la raison pour laquelle il décide de ne pas embaucher une personne (dans ce cas, l’absence de vaccination contre le Sars-cov 2) ce qui équivaudrait à ne pas être embauché du fait d’être une femme, un homosexuel, ou toute autre caractéristique personnelle.
Exigence sectorisée ?
Ce qui est envisageable, c’est d’établir une exigence de vaccination pour les secteurs et professions où ne pas le faire peut présenter un risque pour les collègues ou pour le bénéficiaire des services de l’entreprise. L’exemple le plus représentatif est celui des professionnels de santé dans leur ensemble (y comprises les maisons de retraite), travaillant au quotidien avec des personnes très vulnérables au virus. Devrait-on l’exiger aussi à toute personne en contact avec le public ? La question est ouverte.
Miguel Morillon
Avocat inscrit à l´Ordre des Avocats de Madrid