Le Haut Tribunal s’est prononcé à plusieurs reprises sur le régime du droit de visite quand les conjoints sont géographiquement éloignés dans le territoire national. Par sa sentence du 16 mai 2017 nº 301/2017 c’est la première fois qu’il donne son avis sur ce régime quand l’un des conjoints réside à l’étranger.
Les faits à l’origine de cette sentence concernent le divorce prononcé par les juges du fond (Juzgado de 1ª Instancia nº 3 de Mieres, Asturias) par sentence du 18 avril 2016 au profit d’un couple dont lui était américain, résidant à Miami et elle était espagnole, résidant à Mieres (Asturias) et avaient une fille de 7 ans en commun. Les juges du fond avaient accordé la garde et surveillance exclusive à la mère et avaient établi le montant de la pension alimentaire et le régime du droit de visite que la mère avait invoqués dans sa demande. Ce régime du droit de visite concernait plusieurs points, et notamment : les vacances d’été et de Noel ont été divisées par moitié ; pour les visites le père devait prendre et déposer la fille chez sa mère ; pour les voyages en avion la fille devait aller avec une personne de son cercle habituel ; et c’était au père de prendre en charge tous les frais de déplacement Miami-Asturias et Asturias-Miami.
Le père a fait appel et l’Audiencia Provincial de Asturias a rendu un arrêt le 26 septembre 2016 confirmant en partie la décision des juges du fond. Concernant le régime du droit de visite, l’arrêt a, notamment, étendu le droit de visite du père pendant les vacances d’été à un mois et trois semaines ; il a établi que le droit de visite pendant l’été aurait lieu en Espagne ou aux États-Unis (ce serait au père de prendre la décision) et que dans ce dernier cas ce serait à la mère de déposer la fille à l’aéroport de Madrid ; et il a donné son autorisation pour que la fille voyage seule en avion en utilisant « le service de prise en charge des enfants voyageant seuls » proposé par les compagnies aériennes. L’Audiencia a justifié ces mesures eu égard aux « circonstances particulières présentes découlant de la distance existante entre les domiciles des parents », et elle a considéré que le prolongement des vacances d’été au profit du père était une manière de compenser le manque de visites hebdomadaires, que l’âge de la fille (7 ans) ne constituait pas un obstacle pour qu’elle puisse voyager seule avec le service d’accompagnement et que la mère devait contribuer à rendre facile cette rencontre d’été entre père et fille.
La mère s’est donc pourvue en cassation devant le Tribunal Supremo car elle considérait que la décision de l’Audiencia allait à l’encontre de l’intérêt de l’enfant mineur en autorisant qu’un enfant âgé de sept ans prenne un vol Madrid-Miami sans l’accompagnement d’une personne de son entourage habituel. Elle considérait, en plus, qu’en obligeant la mère à déposer la fille à Madrid pour qu’elle prenne l’avion, la décision violait le principe de répartition égalitaire des charges.
Le Tribunal Supremo a rejeté le pourvoi en énonçant que l’arrêt de l’Audiencia Provincial « retient le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant mineur et cela en prenant en compte aussi le principe de proportionnalité et les possibilités de participation des parents au déplacement de la fille ». Pour le Haut Tribunal l’arrêt protège l’intérêt de l’enfant en encourageant le maintien des liens affectifs entre père et fille et l’Audience rend une décision motivée et pèse les différentes circonstances existantes au cas d’espèce : la distance, l’âge de la fille, la possibilité d’avoir recours au service d’accompagnement des compagnies aériennes et les périodes de vacances du père et les vacances scolaires de la fille. Cette prise en compte des circonstances au profit de l’enfant doit toujours prévaloir, car il n’’existe pas de norme légale concernant le régime de visites quand les parents sont géographiquement éloignés (sentences du Tribunal Supremo 289/2014 du 26 février, 685/2014 du 19 novembre, et 565/2016 du 27 septembre).
Une répartition égalitaire des charges économiques et personnelles pour le déplacement est toujours favorable à l’intérêt de l’enfant dans la mesure où elle encourage le droit de visite. Ce sont donc les principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et de répartition égalitaire des charges qui doivent être pris en compte, eu égard aux circonstances de chaque cas d’espèce. Cette affirmation a été énoncée à plusieurs reprises par le Haut Tribunal dans des sentences où les parents se trouvaient aussi géographiquement éloignés (sentences 289/2014 du 26 mai, 536/2014 du 20 octobre, 685/2014 du 19 décembre, 784/2014 du 11 décembre…).
Le Tribunal Supremo énonce donc que « ce n’est pas contraire à sa doctrine la sentence qui, au moment de fixer le régime de visite quand le père réside à l’étranger, prend en compte l’intérêt de l’enfant et la contribution personnelle et économique aux déplacements de la part des deux parents de manière égalitaire ». C’est ainsi que le Tribunal applique au cas d’espèce, où l’un des parents réside à l’étranger, et plus particulièrement dans un autre continent, sa doctrine sur le droit de visite quand les parents sont géographiquement éloignés.