LE « DIVORCIO ANTE NOTRARIO » (DIVORCE PAR CONSENTEMENT MUTUEL CONVENTIONNEL) ET CRICULATION TRANSFRONTIÈRE
La « Ley 15/2015 de 2 de julio de Jurisdicción Voluntaria » (loi 15/2015 du 2 juillet de Procédure en matière gracieuse), entrée en vigueur le 23 juillet 2015, a introduit dans l’ordre juridique espagnol le « divorcio ante notario » (divorce par consentement mutuel conventionnel) en modifiant les dispositions du Code civil, de la Loi du Notariat et de la Loi de l’État civil en la matière. Il s’agit d’une procédure inédite en Espagne qui contribue à alléger la charge des organes judiciaires et à accélérer la procédure de divorce (on peut désormais changer d’état civil le jour même) et qui attribue des nouvelles compétences aux notaires. Cependant, nous ne pouvons pas oublier la pluralité de mariages mixtes existants en Espagne, pour lesquels la reconnaissance et exécution de la convention de divorce à l’étranger va être l’un des aspects fondamentaux pour mesurer l’efficacité d’une telle procédure.
- LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU « DIVORCIO ANTE NOTARIO »
- Les conditions principales
Tout d’abord, le couple doit donner son accord et son consentement. Si le couple n’est pas d’accord ou si, en étant d’accord, ses enfants majeurs ou mineurs émancipés s’y opposent (dans la mesure où la décision de divorce les affecterait parce qu’ils n’ont pas de revenus propres et habitent au domicile familial) le couple devra aller auprès des tribunaux pour mener un divorce contentieux.
Cependant, le consentement du couple et des enfants majeurs, s’il y en a, ne sera pas toujours suffisant. Selon l’article 82 du Code civil, si le couple a des enfants mineurs ou incapables ou si l’un de conjoints est enceinte (l’article 29.2 du Code civil considère le nasciturus comme un nouveau-né pour tous les effets qui lui soient favorables) le couple devra aller devant le juge.
En plus, trois mois doivent s’être écoulés depuis le jour du mariage pour pouvoir divorcer devant notaire, en application de l’article 81 du Code civil.
Dans cette procédure, le rôle du juge disparaît au profit des rôles de l’avocat et du notaire. L’intervention de l’avocat est obligatoire et l’avocat ou les avocats devront être présents au moment de la signature de l’acte notarié qui devra aussi être signé par leurs soins. Même si le rôle de l’avocat est fondamental, car c’est la personne chargée de conseiller les parties et de rédiger la convention de divorce, le rôle du notaire acquiert une très grande importance.
- Des nouvelles compétences attribuées aux notaires
D’après les données du Conseil Général du Notariat, pendant la première année d’application de la « Ley de Jurisdicción Voluntaria » plus de 4.600 couples se sont divorcés par « divorcio ante notario » en Espagne. Cela montre, notamment, que cette nouvelle procédure a permis d’alléger la charge des juges et cela a une conséquence directe sur la fonction du juge, qui a disparu au profit de celle du notaire.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi, le notaire a compétence non seulement pour divorcer mais il peut aussi se nier à le faire s’il considère que l’accord atteint par les parties à travers la convention de divorce pourrait nuire ou être fortement dommageable pour les conjoints ou pour leurs enfants majeurs ou mineurs émancipés. Dans ce cas, le notaire devra le notifier au couple et annoncer la clôture du dossier. Face à cette situation, la seule possibilité pour le couple sera d’’aller devant le juge pour qu’il approuve la proposition de convention de divorce. C’est-à-dire, le rôle du notaire n’est pas limité à vérifier les caractéristiques formelles de la convention, mais il peut entrer dans le fond de l’affaire pour rejeter le divorce.
Le notaire compétent sera l’un parmi ceux de la circonscription du dernier domicile conjugal ou de la résidence habituelle de l’un des conjoints. Les deux conjoints devront être présents devant le notaire, accompagnés de leur ou leurs avocats et le divorce produira ses effets à compter de la date de la signature de la convention de divorce déposée au rang de minutes du notaire.
Après avoir vu les principales caractéristiques de la procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel en Espagne, il est nécessaire de connaître l’efficacité de cette procédure à l’étranger pour savoir dans quelle mesure un couple mixte pourrait rencontrer des obstacles pour que leur convention de divorce soit reconnue et exécutée à l’étranger.
- « DIVORCIO ANTE NOTARIO » ET MARIAGES MIXTES : CIRCULATION TRANSFRONTIÈRE
Pour connaître l’efficacité du divorce conventionnel dans le cadre des mariages mixtes, il est nécessaire de faire la distinction entre les mariages mixtes au sein de l’Union Européenne et en dehors de l’Union Européenne.
- Circulation transfrontière au sein de l’Union Européenne
Au sein de l’Union Européenne il faut distinguer entre les différentes dispositions que la convention de divorce peut inclure et notamment : les dispositions relatives à la rupture du lien matrimonial et à la responsabilité parentale ; les dispositions relatives au droit de visite ; et celles relatives aux obligations alimentaires.
Les premières dispositions entent dans le champ d’application du règlement Bruxelles II bis du 27 novembre 2013, qui prévoit un régime de libre circulation des décisions rendues en matière matrimoniale et de responsabilité parentale. Les dispositions de la convention de divorce seront donc reconnues de plein droit dans un autre État membre, mais pour être mises à exécution elles devront avoir été déclarés exécutoires. Pour ce faire il faudra suivre la procédure simplifiée, prévue dans le règlement, auprès de la juridiction compétente de l’État requis.
En ce qui concerne les dispositions relatives au droit de visite, le règlement Bruxelles II bis oblige seulement à ce que les décisions exécutoires rendues en matière de droit de visite soient accompagnés du certificat visé à son article 41. Cependant, ne sont ici visées que les décisions émanant d’une juridiction et par conséquent, cela n’est pas applicable aux conventions de divorce. Le couple devra soit demander l’application de la même procédure simplifiée applicable pour les décisions rendues en matière matrimoniale et responsabilité parentale soit saisir le juge d’une demande d’homologation de la convention.
Les dispositions relatives aux obligations alimentaires, quant à elles, n’entrent pas dans le champ d’application du règlement du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires et donc échappent aux facilités de circulation prévues par ce règlement.
- Circulation transfrontière en dehors de l’Union Européenne
La convention de divorce sera reconnue et exécuté dans un État hors Union Européenne selon les conventions particulières en la matière qui existent entre l’Espagne et l’État concerné ou le droit national applicable. Le plus souvent cette décision devra être revêtue de l’exequatur ou avoir fait l’objet d’une décision de reconnaissance de la force exécutoire.