Le CC affirme que les communications effectuées à partir d’un ordinateur commun de l’entreprise ne sont pas secrètes.
Le Conseil Constitutionnel (CC) a rejeté le recours en inconstitutionnalité interjeté par une salariée qui plaidait que son entreprise avait lésé son droit à l’intimité et au secret de ses communications du fait d’avoir enquêté y lu ses conversations privées effectuées à partir d’un ordinateur que la société destinait à l’emploi commun de ses salariés.
Dans sa décision du 17 décembre 2012, publiée hier dans le Journal Officiel de l’État (BOE), le Conseil Constitutionnel raisonne qu’il n’apprécie aucune violation du droit à l’intimité, comme la demanderesse le plaide, puisque c’est elle-même qui, avec une autre salariée, « a réalisé des actions qui ont déterminé la suppression du caractère privé de ses conversations, du fait de leur inclusion sur le disque de l’ordinateur qui permettait leur lecture par tout autre utilisateur ».
Support commun
La Première Chambre du CC ne considère pas qu’il y ait eu une violation du droit de la demanderesse aux communications avec une autre salariée, puisque « les faits se sont produits à partir de l’introduction d’un logiciel sur un support d’emploi commun à tous les salariés de la société sans aucune sorte de précaution, ce qui écarte toute protection constitutionnelle, puisqu’il s’agit dès lors d’une communication ouverte et non pas secrète ».
Les faits ont eu lieu en 2004, lorsque la demanderesse, une salariée qui occupait un poste de téléopératrice, installa, avec une autre collègue et sans l’autorisation de la société, et sans lui en faire part, le progiciel de messagerie instantanée Trillian, par le biais duquel elles ont maintenu plusieurs conversations. Au fil de celles-ci, elles ont formulé des commentaires critiques, méprisants ou insultants sur leurs collègues, leurs cadres et leurs clients.
Ces conversations ont été découvertes par un salarié, qui en a fait part à la société. L’entreprise a formulé oralement un blâme aux salariées, après les avoir réunies avec plusieurs cadres de la société et avoir fait la lecture à voix haute de quelques phrases. C’est la raison pour laquelle les deux salariées ont porté plainte contre la société, déboutée en première instance, puis à la Cour Supérieure de Justice d’Andalousie – avec l’opinion particulière contradictoire de quatre magistrats, qui entendaient que les droits à l’intimité et aux communications avaient été effectivement violés–. Le pourvoi en cassation à la Cour d’Appel a été refusé faute de contradiction.
Dans son recours en inconstitutionnalité au CC, la demanderesse plaidait que « l’ouverture de dizaines de courriers par la société n’était pas nécessaire et était disproportionnée pour vérifier le respect du seul ordre reçu de l’entreprise : ne pas installer des logiciels ».
L’opinion particulière du jugement, formulée par le magistrat Fernando Valdés –qui est en désaccord avec l’avis majoritaire de la chambre– affirme qu’on ne peut pas assumer que, parce que l’ordinateur est destiné à l’emploi commun de tous les salariés, « la prétention de secret est privée de couverture constitutionnelle ». Valdés ajoute que « ce jugement représente un pas en arrière dans la jurisprudence constitutionnelle accréditée prononcée pendant trois décennies par le Conseil en matières sociales ».
Recommandations pour la société
– Les compagnies doivent donner à leurs salariés des consignes claires concernant l’utilisation de leur matériel informatique. Elles doivent préciser par exemple s’ils peuvent ou non télécharger des logiciels, surfer sur Internet ou utiliser le courrier électronique pour des affaires personnelles.
– Les experts conseillent aux compagnies de faire signer à leurs salariés des protocoles en vertu desquels ils acceptent que la société puisse consulter toutes les informations contenues dans leur matériel informatique.
Conseils pour le salarié
– Si on utilise un ordinateur de la société, il est conseillable d’utiliser un mot de passe personnel pour y accéder. Les sujets que l’on souhaite protéger doivent être inclus dans des dossiers ou des courriers comprenant les termes « personnel » ou « confidentiel ».
– Il faut faire attention aux mouvements effectués à partir de l’ordinateur ou du ‘smartphone’ du bureau, car même les boîtes à lettres personnelles comme Hotmail ou Gmail, ou les messages sur Facebook, peuvent être éventuellement vérifiés par la société.
Miguel Morillon
Avocat au Barreau de Madrid