En Espagne, la vaccination dans le cadre du travail n’est prévue que dans l’article 8.3 du décret royal 664/1997, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents biologiques : – «Lorsqu’il existe un risque d’exposition à des agents biologiques contre lesquels il existe des vaccins efficaces, ceux-ci doivent être mis à disposition des travailleurs, en les informant des avantages et des inconvénients inhérents à la vaccination. ». En réalité, cette réglementation n’est appliquée stricto sensu qu’aux professionnels du secteur sanitaire (médecins, infirmières et laborantins), et toujours volontairement. L’entreprise a le devoir d’offrir le traitement, mais c’est l’employé qui décide de s’y soumettre ou non.
Ceci étant, dans la situation actuelle, la réglementation espagnole continue de donner priorité au droit de l’individu sur son propre corps face au collectif et à la protection de la santé d’autrui. Jusqu’à présent, le législateur n’a pas jugé nécessaire de mettre à jour le cadre juridique pour apporter une solution à un éventuel conflit.
En ce sens, au regard de l’hypothétique licenciement disciplinaire d’un travailleur refusant de se faire vacciner, le juge, selon toute probabilité, le déclarerait irrecevable, car il n’y a pas de base légale qui justifierait la cessation du contrat.
La situation changerait si le Ministère de la Santé émettait un règlement visant à administrer le vaccin à l’ensemble de la société ou à certains travailleurs, en vertu de la Loi Organique des Mesures Spéciales de Santé Publique, invoquant des raisons d’urgence et de nécessité. Dans ce cas, les travailleurs ne pourraient pas refuser la vaccination, privilégiant ainsi l’intérêt collectif sur le droit individuel.
– En l’occurrence, qu’a dit le pouvoir judiciaire dans une situation équivalente ?
Dans le précédent des enfants de Grenade non vaccinés contre la rougeole, les juges (STSJ Andalucía 2393/2013, du 22 juillet), ont ratifié la vaccination obligatoire des enfants, établie en première instance, en vertu de l’article 43.2 de la Constitution Espagnole qui reconnaît aux autorités le pouvoir d’immuniser la population de force dans des circonstances exceptionnelles, et au cas où les gens ne le feraient pas volontairement.
L’arrêt judiciaire indique que «la coexistence dans un État de droit social et démocratique implique non seulement le respect des droits fondamentaux individuels, mais également que leur exercice ne porte pas atteinte au droit du reste de la société, régi par certaines lignes de conduite poursuivant l’intérêt général. ».
On peut donc dire que le vide juridique actuel est à même de générer à l’avenir des conflits dans les entreprises ainsi que de nombreux dilemmes juridiques et éthiques. Il serait souhaitable, mais fort improbable, que le législateur prenne les devants et aborde la régulation de la vaccination obligatoire dans les cas où la protection de la santé publique ET de l’activité économique de l’entreprise s’impose, en autorisant par exemple le licenciement objectif des travailleurs qui refuseraient la vaccination si celle-ci s’avérait indispensable. Certes, une telle mesure devrait s’appliquer de manière très limitée, en raison du conflit qu’elle entraînerait entre des droits antagonistes. Les juges, avec le soutien juridique nécessaire, peuvent obliger les gens à se faire vacciner, comme nous l’avons vu dans le précédent des enfants vaccinés à Grenade.
Le Ministère de la Santé exclut, pour le moment, une mesure coercitive de cette nature car les précédents dans certains pays ont donné de mauvais résultats.
Miguel Morillon
Avocat inscrit à l´Ordre des Avocats de Madrid