Avec la nouvelle procédure du divorce par consentement mutuel conventionnel nous nous trouvons face à une « déjuridisation » du divorce, où l’importance des avocats et des notaires prend une grande ampleur et la parole de l’enfant devient décisive. Les époux peuvent désormais divorcer de manière extrajudiciaire en signant une convention qui doit être contresignée par deux avocats et déposée au rang de minutes d’un notaire. Une simplification donc de la procédure traditionnelle qui invite à se demander sur son efficacité dans le cadre des mariages binationaux, et savoir dans quelle mesure sa reconnaissance et son exécution pourraient constituer une barrière à ce souci simplificateur.
- LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU DIVORCE PAR CONSENTEMENT MUTUEL CONVENTIONNEL
Cette nouvelle procédure de divorce a été instituée en France par l’article 50 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, aussi appelé « loi Justice du XXIème siècle », entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Elle est reprise aux articles 229-1 et suivants du Code civil, sur une section intitulée « Du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privé contresigné par avocats, déposé au rang de minutes d’un notaire ».
- Le caractère conventionnel
La principale nouveauté par rapport à la procédure traditionnelle est qu’il ne s’agit plus d’une procédure judiciaire mais conventionnelle.
Ce caractère conventionnel revient, tout d’abord, à faire disparaître le rôle du juge au profit du rôle des avocats et des notaires. Les avocats et les notaires deviennent donc les protagonistes de la procédure, un statut qui a généré et génère des tensions entre les deux pour préciser leurs rôles respectifs, un débat qui ne fera pas l’objet du présent article.
Ensuite, ce caractère conventionnel confère une importance toute particulière au consentement des époux. Il s’agit d’un divorce qui relève principalement du droit des contrats, donc la condition principale pour mettre en œuvre cette procédure est que « les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets » (article 229-1 du Code civil). C’est-à-dire, les époux doivent être d’accord par rapport à la liquidation des biens, la garde, le régime de visites et la pension alimentaire concernant les enfants, s’il y en a, la prestation compensatoire, etc.
Et c’est par ce consentement mutuel que l’avocat prend une place très importante dans le divorce conventionnel : il devient le garant de l’existence d’un consentement libre et éclairé. C’est la raison pour laquelle chacun des époux doit impérativement être assisté par son propre avocat. Chacun des avocats doit protéger les intérêts de son client et des enfants, il doit veiller à l’équilibre de la convention et au respect de la loi. Les avocats sont chargés de rédiger la convention de divorce qui devra être enregistrée par un notaire afin qu’elle puisse bénéficier d’une date certaine et recevoir la force exécutoire, le rôle du notaire se limitant à vérifier que les conditions formelles sont remplies.
- Le rôle décisif de l’enfant
Néanmoins, il existe deux circonstances dans lesquelles cette procédure ne peut pas être mise en œuvre : si l’un des époux se trouve sous un régime de protection (tutelle, curatelle et surveillance en justice) ou si l’enfant ou les enfants du couple demandent au juge d’être entendus. Dans ces deux cas, on ne pourra pas avoir recours au divorce par consentement mutuel conventionnel mais seulement au divorce par consentement mutuel judiciaire.
S’il y a un enfant mineur capable de discernement, il devra être interrogé pour savoir s’il souhaite être entendu par le juge. Si l’enfant veut être entendu par le juge, on appliquera la procédure de divorce judiciaire par consentement mutuel, et cela indépendamment du fait que le juge accepte ou pas la demande de l’enfant, une fois la demande posée auprès du juge, on ne pourra plus suivre la procédure conventionnelle. C’est ainsi que « l’enfant devient l’otage de la procédure puisque c’est de sa parole que dépend la possibilité de recourir ou non au divorce conventionnel » d’après Jacky Deromedi, sénatrice représentant les Français établis hors de France.
Mais, qu’en est-il des mariages binationaux ? Les avantages de cette procédure conventionnelle se voient-ils réduits du fait de la reconnaissance et l’exécution de la convention du divorce à l’étranger ? La pluralité de mariages binationaux existants oblige à donner une réponse claire et précise à cette question car elle peut être décisive pour un couple binational qui veut se bénéficier d’une telle procédure mais qui hésite à le faire à cause de l’incertitude que le caractère transfrontière de leur relation présente pour eux.
- CONVENTION DE DIVORCE ET MARIAGES BINATIONAUX : CIRCULATION TRANSFRONTIERE
Pour répondre à la question il est nécessaire de faire la distinction entre les mariages binationaux au sein de l’Union Européenne et en dehors de l’Union Européenne.
- Circulation transfrontière au sein de l’Union Européenne
Au sein de l’Union Européenne il faut distinguer entre les différentes dispositions que la convention de divorce peut inclure et notamment : les dispositions relatives à la rupture du lien matrimonial et à la responsabilité parentale ; les dispositions relatives au droit de visite ; et celles relatives aux obligations alimentaires.
Les premières dispositions entent dans le champ d’application du règlement Bruxelles II bis du 27 novembre 2013, qui prévoit un régime de libre circulation des décisions rendues en matière matrimoniale et de responsabilité parentale. Les dispositions de la convention de divorce seront donc reconnues de plein droit dans un autre État membre, mais pour être mises à exécution elles devront avoir été déclarés exécutoires. Pour ce faire il faudra suivre la procédure simplifiée, prévue dans le règlement, auprès de la juridiction compétente de l’État requis.
En ce qui concerne les dispositions relatives au droit de visite, le règlement Bruxelles II bis oblige seulement à ce que les décisions exécutoires rendues en matière de droit de visite soient accompagnés du certificat visé à son article 41. Cependant, ne sont ici visées que les décisions émanant d’une juridiction et par conséquent, cela n’est pas applicable aux conventions de divorce. Le couple devra soit demander l’application de la même procédure simplifiée applicable pour les décisions rendues en matière matrimoniale et responsabilité parentale soit saisir le juge aux affaires familiales d’une demande d’homologation de la convention.
Les dispositions relatives aux obligations alimentaires, quant à elles, n’entrent pas dans le champ d’application du règlement du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires et donc échappent aux facilités de circulation prévues par ce règlement.
- Circulation transfrontière en dehors de l’Union Européenne
La convention de divorce sera reconnue et exécuté dans un État hors Union Européenne selon les conventions particulières en la matière qui existent entre la France et l’État concerné ou le droit national applicable. Le plus souvent cette décision devra être revêtue de l’exequatur ou avoir fait l’objet d’une décision de reconnaissance de la force exécutoire.
Miguel Morillon, avocat au Barreau de Madrid