DANS NOTRE PAYS, LE SECTEUR DE LA FRANCHISE REPRÉSENTE UNE PART DE PLUS EN PLUS SIGNIFICATIVE DU COMMERCE.
1. L’intérêt juridique du contrat de franchise.
Dans notre pays, le secteur de la franchise représente une part de plus en plus significative du commerce. Ce faisant, la consolidation de la franchise dans le système commercial espagnol n’a pas été accompagnée de la mise en œuvre d’un système légal exhaustif, si ce n’est la simple reconnaissance juridique de ce contrat. Seuls les devoirs précontractuels et les aspects statutaires ont été réglementés. Le contenu commercial de la franchise reste quant à lui dans la pénombre.
Outre la nécessité discutable de créer une typologie de contrat fondée sur la conjonction de prestations propres à d’autres typologies de contrats, les excès auxquels peut donner lieu la liberté d’exercice commercial dans la franchise justifient la prétention d’en fixer les limites juridiques.
La franchise a un grand intérêt juridique dès lors qu’elle a pour effet d’accaparer un grand nombre de droits, ce qui déséquilibre la relation contractuelle au profit de son titulaire, qui fait figure de lésé potentiel.
La réglementation actuelle relative à l’activité commerciale sous le régime de la franchise (en l’occurrence le décret royal 2485/1998 du 13 novembre 1998) semble cependant avoir pour effet de contrecarrer cette réalité en introduisant une obligation d’information précontractuelle qui témoigne d’un indéniable souci législatif à l’égard du franchisé. Cette exigence est commune aux contrats dans lesquels intervient une partie considérée comme faible. L’introduction de ce devoir d’information s’est traduite par l’imposition de certaines limites au contrat de franchise. El processus de sélection qui accompagne la franchise débouche sur la question des contrats « intuitu personae », qui permettent de rompre de façon injustifiée des relations commerciales en prétextant une perte de confiance. De même, la continuité du contrat de franchise comme contrat à exécution successive donne lieu à une relation juridique prolongée dans le temps qui, en raison de sa durée, a tendance à engendrer des différends entre les contractants. La formalisation de ce contrat sous forme de contrat d’adhésion entrave elle aussi la délimitation des frontières juridiques du régime de la franchise. Ce mécanisme de conclusion du contrat affaiblit encore davantage, sur le plan commercial, celui qui adhère au contrat de franchise sans pouvoir rejeter ou discuter aucune clause.
Le contrat de franchise peut être l’excuse contractuelle parfaite pour empêcher l’instauration du corporatisme dans le droit des contrats. On assisterait ainsi à une ouverture de la législation de la consommation à d’autres horizons juridiques en tant que porte-étendard de la protection des contractants les plus faibles.
Le régime contractuel de la franchise a été tracé à partir du droit de la concurrence, même si l’hégémonie de ce dernier ne peut en aucun cas remplacer les paramètres de validité commerciale.
Force est de constater que le monopole dont jouit l’organe de la Commission européenne dans tout ce qui a trait à la concurrence, a exercé une pression inhibitrice sur le législateur espagnol, qui n’a pas osé relever le défi de réglementer le contrat de franchise.
L’origine contractuelle de la franchise a tendance à se consolider aux dépens du droit de la concurrence, dont le repli a commencé selon toute vraisemblance depuis l’entrée en vigueur du règlement CEE 2790/1999 du 22 décembre 1999, applicable à certains types d’accords verticaux et pratiques concertées.
Eu égard à la nouvelle orientation de la politique communautaire dans ce domaine, il faut s’attendre à un renouveau de l’espace juridique contractuel.
2. La reconnaissance juridique.
La signification économique de la franchise dans notre pays a contribué, sans aucun doute, à l’apparition d’un contrat de franchise qui ne ressemble que très peu aux activités auxquelles il s’applique.
Ce processus trouve lui-même son origine dans le droit communautaire, et plus précisément dans le règlement CEE 4087/88 de la Commission, relatif à l’application de l’alinéa 3 de l’article 85 du Traité à certaines catégories d’accords de franchise.
Dans le système juridique espagnol, l’article 62 LOCM (Loi sur l’organisation du commerce de détail) constitue la toute première référence légale de ce contrat, ne serait-ce que pour ce qui est de la nomenclature relative à « l’activité commerciale sous le régime de la franchise ». Cet article, au même titre que le décret royal 2485/1998 qui le développe, témoigne non pas d’une systématisation inappropriée du texte mais du fait qu’il n’y a pas lieu de réglementer le contrat de franchise dans cet article. En dépit de la maigre contribution du décret royal précité quant au contenu juridique de la franchise, il convient de s’interroger sur le bien-fondé de sa singularisation législative par rapport aux autres contrats de collaboration.
La reconnaissance juridique du contrat de franchise dans le décret espagnol obéit sans aucun doute à la tendance manifestée par le règlement communautaire 4087/88, qui reconnaît lui-même son existence et surmonte l’obstacle de sa complexité commerciale.
Le contrat de franchise s’est développé au niveau communautaire grâce aux instances européennes de la concurrence, avant de s’infiltrer dans le droit contractuel espagnol.
Compte tenu du faible développement actuel du contrat de franchise, il faut s’attendre à ce qu’il stagne du point de vue commercial en raison de l’application du règlement 2790/1999, qui remplace le précédent et consacre un retour en arrière en ce qui concerne le processus d’identification juridique de ce contrat.
La complexité commerciale de la franchise s’explique par son objet, qui est fondé sur la nécessité de céder un système propre de commercialisation.
La place réservée au contrat de franchise dans la LOCM a contribué à la réduction de cette complexité commerciale en amputant des droits qui pourraient faire partie de la franchise, comme les brevets, la technologie ou encore la propriété intellectuelle, et en excluant parallèlement certaines modalités de franchise comme les franchises de production ou les franchises industrielles.
La notion de franchise tel qu’elle est définie dans notre système juridique, peut être instrumentalisée par les chefs d’entreprises pour se soustraire à l’application du décret royal du 13 novembre 1998, qui prévoit des garanties juridiques visant à assurer la protection du contractant le plus faible.
Cela dit, la réglementation contractuelle a d’autres moyens de s’infiltrer pour limiter le caractère concurrentiel du contrat de franchise. À l’image de la réglementation communautaire, qui ne s’intéresse qu’aux accords les plus importants, comme ceux qui sont susceptibles d’altérer les échanges entre les États membres, la réglementation espagnole de la concurrence se limite à préciser dans la loi relative à la défense de la concurrence (article 7), que tout acte de concurrence altérant gravement les conditions de la concurrence sur le marché et portant atteinte à l’intérêt public constitue un acte de concurrence déloyale.
Force est de constater, cependant, que cette perspective concurrentielle a tendance à se rapprocher du droit contractuel du fait que la dépendance économique pose un problème de déséquilibre des prestations propre à cette branche juridique, comme en témoigne le fait que ces deux cas de figure sont prévus dans la loi relative à la concurrence déloyale (article 16), prévision qui n’a d’autre but que de protéger les intérêts privés des chefs d’entreprises, dont ceux d’origine contractuelle.
Les droits de propriété industrielle peuvent être considérés dans leur ensemble comme des éléments essentiels de la franchise étant donné qu’ils constituent l’axe autour duquel s’articule l’exploitation de tout système de commercialisation. Le législateur a tenté de faire des droits de propriété industrielle l’épicentre commercial de la franchise. Cette démarche avait pour objet d’éviter de réduire le contrat de franchise à une simple licence de marque.
Parmi les autres prestations importantes du point de vue juridique, on peut également citer la communication par le franchiseur d’un « savoir-faire » au franchisé. Le contrat de franchise a vocation à devenir plus qu’un simple contrat de propriété industrielle. C’est tout du moins ce qui ressort de l’article 76 de la loi sur les brevets, qui dispose que « toute personne transmettant une demande de brevet est tenue de mettre à la disposition du licencié les connaissances techniques qu’elle possède et qui sont nécessaires pour pouvoir procéder à une bonne exploitation de l’invention ».
La singularité du contrat de franchise dénature certains aspects du louage en raison de l’objet de la cession. L’article 1542 Cc prévoit uniquement le louage de choses, d’ouvrages ou de services. Or aucun de ces types de louage ne correspond à proprement parler au contrat de franchise. Seuls certains aspects réglementés de ce contrat pourraient contribuer à combler les lacunes de la franchise, comme l’obligation d’assurer la jouissance pacifique des droits par le franchisé (article 1554.3 Cc), la responsabilité pour détérioration (article 1563 Cc) ou encore la tacite reconduction et les causes d’extinction du louage (article 1573 Cc).
En dépit de son omission législative, la licence de marque constitue l’élément structurant du contrat de franchise et le germe de sa principale problématique. Ainsi, les entreprises qui souhaitent étendre leur influence rapidement en faisant appel aux investissements d’autrui, ont recours à la licence de marque. Il faut toutefois reconnaître qu’elles en viennent de plus en plus au contrat de franchise. Or, dans ce domaine, force est de constater qu’il existe une certaine discordance entre la loi sur les marques et le décret royal 2485/1998, et ce en raison de différents aspects.
Le contrat de franchise prend en principe souvent la forme d’une licence commerciale dans le cadre d’un plan de commercialisation d’un produit.
Jusqu’à présent, le vide normatif du contrat de franchise était plus ou moins amorti par la concession commerciale puisqu’il était considéré par la jurisprudence comme une sous-espèce de ce contrat. Cela dit, compte tenu du petit nombre de décisions de justice qui ont été rendues en matière de franchise, il faut s’en remettre aux contrats de concession et de distribution.
3. Les implications négatives des éléments essentiels de l’accord de franchise.
En définissant dans le détail les éléments essentiels de l’accord de franchise, le législateur entendait éviter « ex ante » les conflits les plus courants entre les parties ; c’est la raison pour laquelle il ne se limite pas à réglementer les droits et les obligations. Cette démarche s’explique également par la systématisation desdits éléments parmi les données qui doivent être contenues dans l’information précontractuelle, dans le but de recueillir le consentement éclairé du franchisé. La définition détaillée de ces éléments essentiels semble s’expliquer par la nécessité d’obtenir un consentement médité et réfléchi dans un contrat particulièrement complexe du point de vue commercial, comme le contrat de franchise, dans lequel le franchisé est contraint de supporter des ingérences dans son activité économique. Cette approche vise à éviter que les questions les plus conflictuelles du contrat de franchise ne soient laissées au hasard de l’improvisation commerciale, de façon à ce que, au moment de la conclusion du contrat, le franchisé y adhère en pleine connaissance de chacune des circonstances commerciales importantes, afin d’amortir tout éventuel conflit ultérieur.
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Avocat Madrid