Morillon Avocats vous invite à lire le Décalogue du droit de la Famille publié par le Barreau de Madrid.
1.- Régimes matrimoniaux
Parmi les trois options légales existantes, il faudra choisir, expressément, celle qui s’adapte le mieux aux circonstances personnelles et professionnelles du couple : régime de communauté réduite aux acquêts, régime de séparation de biens ou régime de participation aux acquêts. Il ne faut pas se limiter à maintenir le régime de communauté réduite aux acquêts, à savoir le régime proposé par la loi par défaut, mais il convient de s’informer de manière appropriée et de soupeser les conséquences de chacun de ces régimes, sachant en outre que, si nos circonstances personnelles varient au cours du mariage, il est toujours possible de modifier le régime choisi. Il convient, en particulier, d’examiner les avantages du régime de participation aux acquêts. Le choix de ce régime implique l’établissement d’un contrat de mariage sous forme d’acte notarié qui doit être enregistré à l’office du Registre d’état civil.
2.- Accords prénuptiaux
Les accords prénuptiaux peuvent contenir « a priori » autant de conventions que nous estimons nécessaires pour régir notre vie matrimoniale : reconnaissances ou renonciations à des pensions compensatoires, en fonction du temps que nous pensons consacrer à nos enfants quand ils naîtront, du type d’éducation que nous souhaitons leur donner – laïque ou religieuse, dans une école publique ou une école privée– , accords relatifs au domicile familial et à tous types de questions qui sont susceptibles d’avoir un impact sur notre vie commune, selon nos circonstances. La Cour suprême a reconnu la validité de ces accords, notamment dans sa décision récente du 24 juin 2015. Il convient d’établir ces accords prénuptiaux sous forme d’actes authentiques, mais leur inscription au Registre d’état civil n’est pas prévue.
3.- Pacte de cohabitation
Si nous ne souhaitons pas contracter mariage, mais que nous désirons toutefois entamer une cohabitation more uxorio et former une union de fait, enregistrée ou non dans le Registre de chaque Communauté autonome, il est non seulement conseillé, mais primordial de souscrire un pacte de ce type. Le droit commun ne règlemente pas les unions de fait, ce qui a incité chacune des Communautés autonomes à réglementer séparément ce mode de cohabitation. La Cour suprême a déterminé que les dispositions du Code civil ne peuvent pas être appliquées aux conséquences des ruptures de ces couples, excepté en ce qui concerne les enfants mineurs d’âge dont la protection est assurée par l’article 39 de la Constitution. Si nous n’avons pas convenu les règles économiques de notre cohabitation, nous risquons d’être confrontés à des situations très injustes pour l’un des membres du couple, qui n’a pas la possibilité de recourir aux normes du Code civil pour tenter de compenser d’éventuelles situations de déséquilibre. Il convient d’invoquer d’autres théories juridiques pour obtenir une telle compensation, comme celle de l’enrichissement sans cause (reconnu, notamment, dans la décision de la Cour suprême du 6 mai 2011), mais il faut justifier la cohabitation et les circonstances de ladite cohabitation, alors qu’il suffit d’alléguer ce fait dans le cadre de la procédure correspondante si nous avons souscrit une convention dans un document. La Cour suprême a également stipulé dans sa décision du 31 mars 2011 que les documents souscrits en prévision de futures ruptures des couples sont valides. De même, il est essentiel d’établir l’existence d’une telle cohabitation aux fins de l’attribution d’une pension de veuvage, étant donné que ce droit est uniquement reconnu aux unions de fait enregistrées dans un Registre public ou ayant établi leur cohabitation dans un acte authentique, et après une cohabitation continue et ininterrompue d’une période non inférieure à cinq ans. Et si nous passons un acte afin d’établir l’existence de la cohabitation, nous établissons également les autres mesures qui doivent réglementer cette cohabitation.
4.- Contrats et accords matrimoniaux
Si un membre du futur mariage est étranger ou si les deux membres du couple sont Espagnols mais vont résider à l’étranger, il est essentiel de souscrire autant de contrats de mariage que d’accords matrimoniaux, étant donné que la composante étrangère impose un traitement de la situation depuis une perspective différente, en appliquant les normes du droit international privé qui figurent, dans la plupart des cas, dans les Conventions internationales ou les Règlements communautaires. Ces normes portent sur la compétence judiciaire internationale, la législation applicable à la rupture matrimoniale ou les mesures patrimoniales et personnelles concernant les enfants mineurs. En outre, si la résolution a été prononcée à l’étranger, lesdites normes établissent les conditions à remplir pour que la résolution puisse être reconnue et exécutée en Espagne. Les Règlements communautaires reconnaissent la validité de la convention souscrite quant à la législation applicable. Il est donc essentiel d’établir un acte stipulant la législation applicable au régime économique matrimonial et au divorce éventuel, étant donné que de telles conventions contribuent dans tous les cas à accélérer les procédures judiciaires susceptibles d’être engagées.
5.- Accord matrimonial avec élément étranger
Il est possible et recommandé de réglementer des questions aussi importantes que les pays dans lesquels les conjoints peuvent installer leur future résidence, la confession religieuse qui sera choisie pour l’éducation des enfants, le type de scolarité, la façon dont les deux conjoints vont contribuer aux charges du mariage (contribution économique et/ou temps et efforts consacrés au ménage) et le type de compensation à établir en cas de rupture, des accords parfaitement valides selon l’interprétation de la Cour suprême.
6.- Le domicile familial
Il convient de déterminer consciencieusement le lieu où sera établi le domicile familial : s’il s’agit d’une habitation appartenant à l’un des membres du couple ou aux parents de l’un d’entre eux, il faut établir des dispositions à cet égard. En effet, dans l’éventualité d’une rupture, l’usage du domicile sera dans tous les cas associé au parent qui assure la garde des enfants mineurs. Il convient, par conséquent, de chercher, dès le début de la vie commune, des solutions alternatives qui ne mènent pas nécessairement à l’association du logement appartenant à l’un des membres du couple (dans la majorité des cas, son patrimoine principal) à l’évolution de la vie du couple.
7.- Inventaire
Au début de la cohabitation, il faut dresser un inventaire du patrimoine que possède chaque membre du couple, y compris le solde des comptes courants, ou les produits financiers, ainsi que des objets qui revêtent une valeur sentimentale particulière. Ledit inventaire devra identifier la personne ayant acquis les éléments répertoriés. Cela permet d’éviter ultérieurement de douloureux conflits quant à la propriété d’objets déterminés qui sont susceptibles de constituer un précieux souvenir.
8.- Médiateur
Dès l’apparition des premiers signes de désaccord ou de crise, il convient de consulter un thérapeute familial ou un médiateur, pour essayer de trouver des solutions ou des réponses avant que la crise ne s’aggrave et que la solution ne soit plus viable.
9.- Mineurs – Rupture familiale
Si la crise ne peut être résolue et qu’il y a des enfants mineurs d’âge, les deux parents doivent informer les enfants, conjointement, de la rupture familiale, en cherchant dans tous les cas à leur transmettre un sentiment de sécurité et de tranquillité et éviter ainsi de susciter chez eux tout sentiment de culpabilité. Si nous avons des doutes quant à la façon dont ils vont réagir, il convient de consulter un psychologue pour enfants et les deux parents doivent suivre les indications reçues de ce professionnel afin d’épargner toute souffrance superflue à leurs enfants.
10.- Testament
Il convient dans tous les cas d’établir un testament, en particulier après la rupture du mariage. Et si nous ne souhaitons pas que notre ex-partenaire administre les biens dont vont hériter nos enfants, il faut désigner des administrateurs testamentaires, ainsi que des exécuteurs testamentaires. Si nous ne prévoyons pas cette désignation expresse, c’est l’autre parent qui administrera les biens dont hériteront nos enfants, en sa qualité de titulaire unique de l’autorité parentale, sous réserve du contrôle judiciaire obligatoire en cas de cession de l’un quelconque de ces biens. Ceci est particulièrement important si la personne qui va établir le testament réside de façon permanente dans un pays qui ne correspond pas à celui de sa nationalité et si elle souhaite établir un testament qui soit assujetti à la législation de sa nationalité, et non pas à la législation du lieu où elle réside. Enfin, il faut tenter par tous les moyens d’arriver à un accord mutuel et de chercher des avocats conciliateurs, afin d’éviter, autant pour nous-mêmes que pour nos enfants, des procédures contentieuses longues et pénibles, dans lesquelles nous seront forcés de nous plier en fin de compte à la décision d’un tiers – le juge – plutôt que d’agir dans le respect de notre volonté, établie dans une convention. Il faut également tenir compte de l’existence d’autres instruments qui aident les couples à parvenir à des accords leur permettant d’éviter le passage par les tribunaux, comme la médiation.
M. Morillon, avocat de Madrid (Espagne)